minuit

"Une étrangeté de tapisserie médiévale, de vitrail gothique."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.


L’encens d’église me fascine depuis toujours, c’est pour moi une odeur magique à laquelle je reviens toujours, à la fois mystérieuse et réconfortante, peut-être à cause d’une enfance passée à l’ombre d’une église, de mes premières années d’école ou les institutrices étaient des religieuses… Un contexte très catholique propice à ce genre d’obsession. Messe de Minuit fut l’une de mes premières découvertes dans ce genre-là et c’est un parfum auquel je reviens assez régulièrement.

Le départ est déconcertant, délicieux mais curieusement peu religieux : la fraîcheur de la bergamote, du citron, amère, acide, poussée jusqu’au froid avant de se révéler plutôt confite et de se réchauffer au contact de la cannelle. L’encens vient après. Des volutes bleues. L’ambiance d’église. Sombre, mystérieuse, pleine d'ombres et de lumières, les unes mettant les autres en valeur. L'église, la pierre et le bois. Avec des aller-retour entre le froid et le chaud du départ car l'encens va constamment se réchauffer à la cannelle puis se voit soudain transi par le citron et la bergamote.

Une église à Noël, pleine d'enfants et de chaleur, le recueillement, mais pas le mysticisme, plutôt la joie, la célébration de la naissance du divin enfant, presque païenne. Les hautbois jouent, les musettes résonnent. La lumière s'amuse dans les vitraux, caresse l'or des objets de la liturgie, triomphe de la nuit, est tout entière espérance. Et les cadeaux s'amoncellent au pied du sapin.

Messe de Minuit est gothique et flamboyant, ce gothique qui inventa un jour, au portail de la cathédrale de Reims qu'un ange pouvait sourire. 

Messe de Minuit, Bertrand Duchaufour pour Etro, 1994.

Commentaires

  1. Effectivement une jolie Messe que vous présentez là ( je reste pour ma part fidel à un "Bois d'Encens" à la fois plus austère, intime et lumineux, proche de ces "Leçons des Ténèbres" du Grand Siècle Musical Français...)
    Et pour l'ange de Reims...je lui trouve un air "assez faux-jeton" pour paraphraser Jean Genet à la fin de son entretien (un peu daté) toujours aussi politiquement incorrect de 1982 avec Poirott-Delpech !
    Ah ! Un parfum "faux- jeton"...mon rêve encore non réalisé ^^
    Merci pour ce beau sujet (une fois de plus...!!!)
    AdRem

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  2. Sentir l'église toute la journée, c'est vraiment lassant puis pénible au bout d'un moment, je trouve.
    Je n'aime l'encens que lorsqu'il accompagné d'autres matières plus criardes : par exemple (encore) Portrait of a lady, ou surtout Absolue pour le Soir, où l'encens est très présent parmi le confit de miel glacé et les épices sales. J'adore mettre Absolue dès le matin en réalité, pour en faire profiter mes collègues de bureau ; c'est plus excitant que de sentir le curé, tout en étant assez libérateur de méditations diverses.

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    1. Je peux comprendre qu'on trouve cela lassant, c'est justement l'intérêt de Messe de Minuit, le jeux entre l'encens et la cannelle, les allées et venues entre le chaud et le froid... mais "sentir le curé" (idée un peu fausse) toute la journée est un vrai plaisir. Aussi.

      Portrait of a Lady, aussi beau soit-il et il l'est énormément, m'ennuie beaucoup personnellement et je n'arrive à y distingué qu'une beauté qui s'éloigne, celle d'une femme entre deux âges, qui tente de conserver sa séduction en s'inventant une allure mystérieuse, en jouant les fatales. Mais pour moi, son mystère ne recouvre que du vide. La forme est belle, mais je n'y vois qu'une forme.

      Quant à l'Absolue, je la trouve tout bonnement sans intérêt autre que le plaisir de choquer, de surprendre, et n'éprouve aucun plaisir en sa compagnie.

      Heureusement que nous pouvoir avoir chacun nos plaisirs et que nous pouvons choisir.

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    2. Oui, mais je suis un homme, pas une cougar ! L'autre jour, tu disais que tu aimais faire ta femme fatale avec Fracas (tout en alternant avec des phases de recueillement/extase ecclésiastique, si j'ai bien compris) et j'ai donc répondu que je faisais "ma je-ne-sais-quoi" avec Poal, mais je suis un homme ! Et, avec Poal, je ne recherche pas à séduire entre deux âges en agitant mes fesses ;-)
      À la limite, je pourrais dire que les effluves de ce parfum exacerbent un côté vaguement décadent sur moi (à la limite...).

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    3. La bombasse, pas la fatale. Il y avait une ironie second degré. Et Je parle de l'image du parfum, pas de l'éventuel porteur. Pour moi la Lady de Portrait est indubitablement un femme fatale vieillissante en robe de velours noir. Même porter sur un rugbyman pendant un match. (à qui ça irait drôlement bien, je parie)

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  3. L'encens ne sent pas plus l'église que le curé le musc comme pourrait faire entendre la première syllabe du nom du gardien du culte...Il s'agit d'associations d'images, d'idées...J'adore reconnaître l'encens dans "French Lover"...j 'aime "Portrait of the Lady" également...Cependant quand j'aime une Omelette aux Cèpes...je ne vais pas m'extasier 107 ans sur la qualité des oeufs...c'est le Cèpe le Roi du Bal...J'aime aussi les Œufs à la Coque...et pour le coup là je me moque du Cèpe..."Bois d'Encens" est mon oeuf à la coque..."French Lover" est mon Omelette aux cèpes...
    J'adore l'Iris Silver Mist, Vétiver Extraordinaire...et j'aime aussi d'autres parfums où l'Iris ou le Vetiver n'est pas mis en avant, joue dans les coulisses plustôt que sous les projecteurs...Il faut de tout pour faire un monde...Soyez gourmand...vous aurez plus de plaisir...^^
    L'histoire du parfum débute dans l'espace entre du bois, des résines qui brûlent et une idole...J'aime la matière "Encens" (qui est multiple) pour cette raison là...
    AdRem

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    1. Certes, c'est une association d'idées. Mais j'ai fréquenté des églises ou l'encens brûlait pendant le culte et pour moi les deux sont indissociablement lié: sentir l'encens me renvoie immédiatement à la célébration de la messe...

      D'ailleurs autours de moi, les réactions à mes parfums encens sont plus ou moins liées à ça, auprès des plus âgés, les jeunes n'ont pas ce réflexe. Un collègue directe aime beaucoup car cela lui rappelle qu'il a été enfant de chœur, Une amie déteste car cela lui rappelle les enterrements religieux auxquels elle a assisté.

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