se faire du bien

« Je m’amusais à regarder les carafes que les gamins mettaient dans la Vivonne pour prendre les petits poissons, et qui, remplies par la rivière, où elles sont à leur tour encloses, à la fois «contenant» aux flancs transparents comme une eau durcie, et «contenu» plongé dans un plus grand contenant de cristal liquide et courant, évoquaient l’image de la fraîcheur d’une façon plus délicieuse et plus irritante qu’elles n’eussent fait sur une table servie, en ne la montrant qu’en fuite dans cette allitération perpétuelle entre l’eau sans consistance où les mains ne pouvaient la capter et le verre sans fluidité où le palais ne pourraient en jouir. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

eau dynamisante, Clarins

Née dans les années ’80, l’Eau Dynamisante n’a jamais été présentée comme un parfum, dans son flacon qui évoque plus le produit de soin efficace que le parfum de luxe, mais comme un produit qui fait du bien au corps. Je vous avoue dès le départ qu’elle n’a pas suffi à regalber mes fesses et que je ne m’en sers donc que parce qu’elle sent bon. La formule est courte et simple, essence d’agrumes, un peu de lavande et de romarin, sur fond de patchouli. La structure est celle d’une eau chyprée, vous comprenez pourquoi je l’aime ? Une eau chyprée ? Manque un peu de mousse de chêne pour l’époque. Bah, oui, elle était en avance sur son temps ! En vrai gourmand, j’achète le flacon recharge d’une demi litre, pas très cher finalement, à la limite du bon plan,  et préfère le geste de la friction généreuse à celui de la vaporisation…

L’odeur, c’est celle de la fraîcheur. Une eau très simple, très vive, qui évoque un peu le chic de celles qui l’ont précédée, avec un aspect moins construit, plus naturel. Elle sent le propre, le net, les draps frais dans une chambre où les volets sont restés clos pendant les heures chaudes. Ce n’est pas un parfum qu’on porte comme un bijou de famille, parce qu’il est beau, qu’il est précieux, mais parce qu’il est bon. Il fait vraiment du bien : un coup de fouet, un coup de bonheur. C’est l’effet des agrumes. Les colognes et les eaux chyprées me font toujours cet effet ! 

Petit plaisir égoïste, je ne la porte pas vraiment «dehors,» plutôt chez moi quand je peux en remettre encore et encore en cours de journée pour me réveiller. Ne m’étant jamais fier à son nom, je n’hésite pas non plus à m’en asperger le soir avant d’aller au lit pour me rafraîchir et faire de beaux rêves.  Elle sent, elle tient, mais elle n’est jamais «trop !» On la perçoit, elle vous vaudra peut-être même des compliments, mais elle n'envahit pas l'espace...

même la nuit, sans risque d'insomnies

Elle va fêter ses trente ans et semble n’avoir pas vieilli pour ceux qui l'aiment. Comme son aînée, l’Eau de Rochas, elle a son public qui lui reste fidèle et sait se faire de nouveau adepte. Curieusement, c’est surtout parmi les gens qui n’aiment pas le parfum qu’ils se recrutent. Et franchement, c’est bien dommage de leur laisser ce petit plaisir. À l’occasion, aller la sentir, si vous ne la connaissez pas, il est possible que vous succombiez et, si vous la connaissez, que vous subissiez un retour d’affection. (Comme moi !)

Eau Dynamisante, Clarins, 1987.